"Je m’appelle Bernard Topo. Je viens de Bruxelles en 2027, via une application que j’ai développée pour communiquer avec un passé où se pressentait déjà l’omnipotence de la technologie (l’ardoise digitale est comme le prolongement de la main) et des réseaux sociaux (les Faceblokoeurs veillent sur nos rapports humains et les Gog+ surveillent nos agissements).
L’évolution ne s’y décline pas en révolution : les pouvoirs financiers sont suprapotents, la politique brille par son absence, les technocrates exécutent et seule l’existence personnelle pimente encore d’un brin d’humanité ce futur qui vous est proche. Si proche que vous pouvez vous y retrouver et à la fois si lointain qu’on peut envisager ce constat comme l’un des multiples avatars de l’Histoire."

vendredi 6 avril 2012

observateur neutre


Fin épisode précédent : "Enfin, qu’il ait réellement envoyé son hologramme au départ de l’année 2031 m’interpelle : disons que je lui laisse le bénéfice du doute, quoique je me sente quelque peu ébranlé, pas vous ?" 

Episode 87. Mercredi 07 04 2027. Trois uniformes blancs se manifestent tôt matin devant la porte de mon immeuble. Le plus grand ne m'est pas inconnu. Vue du haut de mon premier étage, l'autre gaillarde doit peser ses cent kilos de muscles et mesurer deux fois autant de centimètres. Pour le peu que j'en aperçois sous son costume, c'est une femme plutôt jolie, aux formes puissantes et au visage de chérubine mais à laquelle je ne me frotterais cependant guère, ni en pugilat, ni en étreinte. Sans doute est-ce le critère principal de Démagog+ lors des sélections d'embauche, ne l'ai-je pas déjà dit ?

Dans l'attente du sort qu'on me réserve, je me rassure de la présence de mon Timothy Fastoche de Gog+ parmi le triumvire. Je savais que cette procédurière de Faceblokoeuse d'avant-hier ne lâcherait pas le morceau.
De toute évidence, mon altercation avec elle avait mis près de 48 heures pour parvenir aux dossiers de la Démagog+. Fait paradoxal après des décennies de courses contre le temps, la lenteur est parfois l'un des points faibles du sytème+ mais c'est également ce qui confère à la réalité augmentée un petit relent d'humanité pas trop désagréable, à vrai dire. Du coup, mon argutie était fin prête, si toutefois on me la laisse développer !
Point ne fut besoin, je n'étais pas dans leur visée. Ma voisine, par contre...
 

"Dites-moi, Monsieur Topo... ", m'apostrophe d'en bas mon géant de Gog+ sur un ton bien peu amical pour un Timothy Fastoche protecteur, "Juliana Paderova, votre voisine, vous la connaissez ?". J'ai secoué la tête, "Non, je ne sais même pas comment elle est !", ai-je répondu, sans mentir.
De fait, lorsque dix minutes plus tard, je l'ai aperçue, pendue de guinguois comme une loque accrochée aux épaules de la gigantesque et de son collègue moins imposant, cela m'a certes rappelé la vidéo de Chatey, mais il ne me semblait pas avoir rencontré cette jeune femme auparavant, ou peut-être sur FaceBlok, parmi mes innombrables amies et amis. De quoi la pressentait-on déviante, qui le saura et qui osera le dire ?
 

De toute façon, la rue est vide à cette heure, beaucoup dorment encore. Je suis vraisemblablement le seul témoin. Mais suis-je un observateur neutre ? En quoi aurais-je influé sur les événements, une fois de plus ?

Peu importe, du reste. J'ai mieux à faire : mon appli TempoTopo' passera à la vitesse supérieure dès ce soir. Encore deux ou trois essais et quelques tests avant de naviguer confortablement sur un Internet antédaté. Demain, je rentre dans votre actualité !

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