"Je m’appelle Bernard Topo. Je viens de Bruxelles en 2027, via une application que j’ai développée pour communiquer avec un passé où se pressentait déjà l’omnipotence de la technologie (l’ardoise digitale est comme le prolongement de la main) et des réseaux sociaux (les Faceblokoeurs veillent sur nos rapports humains et les Gog+ surveillent nos agissements).
L’évolution ne s’y décline pas en révolution : les pouvoirs financiers sont suprapotents, la politique brille par son absence, les technocrates exécutent et seule l’existence personnelle pimente encore d’un brin d’humanité ce futur qui vous est proche. Si proche que vous pouvez vous y retrouver et à la fois si lointain qu’on peut envisager ce constat comme l’un des multiples avatars de l’Histoire."

mercredi 4 avril 2012

holo' d'un Timothy


Fin épisode précédent : « Comme déjà dit précédemment, je pense, l’essentiel est davantage pour moi aujourd’hui dans le plaisir de la parole écrite que dans l’espoir d’être lu ou entendu.
Une autre finalité ne serait sans doute qu’illusion réciproque entre vous et moi. »

Episode 85. Lundi 05 04 2027. Et c’est parti comme un lundi d’antan, un vrai début de semaine comme on n’en fait plus. Concernant mon appli’ TempoTopo’, j’ai à établir mon plan de recherche ainsi qu’une ébauche d’échéancier à fournir pour vendredi, ainsi que me l’a suggéré J.-P. dans sa notification. En échange, je suis libéré de toutes contraintes, mais, quant à moi, je préférais nettement accomplir d’autres tâches pour m’abandonner entre-deux à mon développement comme un loisir.

N’empêche que, dès matin, la FaceBlokoeuse de service ne s’est pas gênée pour me rappeler mes obligations sociales dans le Réseau, en me tarabustant au passage : « Vous avez une sacré tendance à la misanthropie, n’est-ce pas, Monsieur Topo’ ? » grinçait son avatar qui affichait des quenottes plus blanches qu’un Gog+. Non, je n’ai pas vécu « un couple momentané » depuis un temps certain ; non, je n’ai répondu à aucune invitation évènementielle de ces dernières semaines ; non, je n’ai pas commenté d’infos amicales depuis longtemps ; non, je n’ai donné aucune information en pâture à quiconque ; rien de tout cela.
Ma position de N4 ne semblait guère lui suffire. C’était une bonne femme très procédurière - rien à voir avec Fatey ! -, bien retranchée derrière son anonymat de circonstance. Je ne lui ai pas caché un profond agacement : n’ai-je pas d’autres missions plus intelligentes à remplir ? De plus, elle se targuait de moraliser : « Attention, Monsieur Topo’, de misanthrope à sociopathe, il n’y a qu’un lien ténu ! ». Belle maxime, en vérité. A mon sens, cette fille bornée, obtuse et têtue n’est qu’une psychopathe à qui l’on a offert une jolie casquette, un masque et des galons. De rage, j’ai esquissé le geste de me déconnecter de FaceBlok et consorts, quoi qu’il arrivât par la suite.

… Quoiqu’IL arrivât par la suite, c’était le cas de le dire car c’est le moment précis qu’IL avait choisi pour s’hologuer comme une fumée noire d’incendie. Pareil à la fois précédente, grand, tout de noir vêtu et la face blanchâtre, Timothy Fastoche en imposait, d’autant plus que, aujourd’hui, son hologramme était stable et semblait vouloir le rester. Je m’attendais à un long discours sur un ton monocorde, comme dans les pires scènes de science-fiction à la papa. Ce ne fut pas le cas.
L’homme s’est assis posément dans un fauteuil. « J’arrive droit de 2031, Monsieur Topo’ ! Cela ne devrait pas vous étonner, vous qui vous entretenez quotidiennement avec l’an 2012 ! », entama-t-il d’une voix suave et racoleuse. De fait, hormis l’hologramme, je ne me sentais pas dépaysé. D’ailleurs, je le lui ai dit. La réponse tomba comme un couperet : « … L’hologramme dans le passé ? C’est en effet fort récent mais il suffisait simplement de rebondir sur vos travaux, mon cher Topo’ ! ».
La complicité forcée de son sourire ne me disait rien qui vaille. Dans un sens, je pouvais être ravi d’une certaine postérité, comme tout un chacun le serait en pareil cas, mais, dans un autre, je restais perplexe, incrédule et sur mes gardes. En effet, ce Timothy Fastoche de pacotille arrivait-il véritablement en droite ligne du futur ? N’était-ce pas plutôt un piège du présent pour me mettre en confiance et me tirer confidence ?  En un mot comme en cent, je me retrouvais dans une circonstance similaire à la vôtre lors de la sortie de mes premiers billets au beau mitan de janvier : situation de doute, de scepticisme et de banalisation. « Bah ! Ce n’est qu’une vulgaire histoire d’anticipation ! », vous entendais-je dire de partout.


Peut-être l’est-ce, peut-être ne l’est-ce pas ! Allez savoir…

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