"Je m’appelle Bernard Topo. Je viens de Bruxelles en 2027, via une application que j’ai développée pour communiquer avec un passé où se pressentait déjà l’omnipotence de la technologie (l’ardoise digitale est comme le prolongement de la main) et des réseaux sociaux (les Faceblokoeurs veillent sur nos rapports humains et les Gog+ surveillent nos agissements).
L’évolution ne s’y décline pas en révolution : les pouvoirs financiers sont suprapotents, la politique brille par son absence, les technocrates exécutent et seule l’existence personnelle pimente encore d’un brin d’humanité ce futur qui vous est proche. Si proche que vous pouvez vous y retrouver et à la fois si lointain qu’on peut envisager ce constat comme l’un des multiples avatars de l’Histoire."

mardi 10 avril 2012

mauvaise aventure


Résumé d’hier : «Maya effaça un restant de sourire et le blanc de ses yeux éclata dans son visage sombre : « A quoi joues-tu, TopoTopo’ ? Tu es en train de me tester ou bien tu te moques tout bonnement? ».
Car elle sous-entendait qu’il s’agissait « tout simplement » de moi. »
.   
Episode 91. Dimanche 11 04 2027. Maya n'est vraisemblablement qu'une diseuse de mauvaise aventure, voilà tout. Mais lorsque je tente de m'en convaincre, le coin du voile qu'elle avait agité devant moi m'aveugle, m'étouffe, m'assourdit davantage qu’un épais chiffon de mensonges. Tant et si mal que, le soir, je me suis couché aux côtés de mon fantôme utérin et ce n’était même pas un hologramme. Par dix fois au moins durant la nuit, je suis allé réveiller Lorrie pour m’épancher. Juste pour me prouver que moi-même j’existais bel et bien et qu’elle était forcément la fille de quelqu’un. Son empathie avait pourtant le don de m’agacer, ses « je comprends, je comprends, tu sais ! » finissaient par m’horripiler ; comment parvenait-elle à rester de marbre, sans réaction, sans émotion, sans un seul clignement des cils, quand je lui ai annoncé qu’elle n’avait peut-être pas de père, pas d’ascendance, aucune hérédité ? J’ai fini par la ranger dans son armoire en me jurant de lui appliquer d’urgence un complément d’humanité.

Dimanche noir, en vérité.

Aussi noir que le manteau de mon Timothy Fastoche d’opérette qui m’impose son holo’ dans mon salon. « Comment ça va, en 2031 ? », ai-je ironisé, les dents en pointe. Ce n’était peut-être pas le bon public pour une aussi grotesque saute d’humeur, mais cela eut tout au moins le don de me rasséréner. « La galéjade huile efficacement les rapports humains ! », me rétorqua-t-il, péremptoire, en se calant dans un fauteuil comme un vieil ami en visite.
A franchement parler, je ne le considère pas comme un ami, si l’on excepte notre rencontre forcée par le Réseau. Sans doute a-t-il perçu le défi dans me regard car il me répond du tac au tac : « Vous avez tort ! Je suis sans doute aujourd’hui votre seul et meilleur ami ! ». Mes prunelles s’agrandirent d’un cran pour le capter davantage. « Admettons que je sois le seul, en ce dimanche 11 avril 2027, à connaitre la destinée de votre TempoTopo’ ! », me décourageait-il sans ménagement.
- Soit !, ai-je dit, impuissant face au futur (tout comme au passé, du reste !). Et quelle est-elle, cher ami ? Je vous écoute…
- Cher Topo’, cher Topo’, cher Topo’… A quoi cela vous servirait-il de le savoir si vous n’êtes pas armé pour le comprendre ?
- Peu importe ! Je prends volontiers le risque, insistais-je.
- Non ! Non !… Le risque, dans ce cas, c’est moi qui le prendrais… Mais, entretemps, parlons d’autre chose, voulez-vous ?         
Voilà alors qu’il me félicite des avancées de mon travail, avec exubérance et force compliments, si bien que j’en oublie presque qu’il m’a tendu une perche pour finalement me la déposer hors de portée.  
 
« Néanmoins, Monsieur Topo’… », (et était-ce une conclusion peu positive de sa part ?), « Il m’est avis que… si je ne vous donne pas un coup de pouce, il se pourrait que les recherches de Faceblok, Démagog+ et consorts aboutissent bien avant les vôtres ! ».
- Avant les miennes ?… Mais ils ne sont nulle part, hormis peut-être ce Chaty ou  Chatey, ce nouveau collègue de TimeWeather !
« Ne soyez donc pas naïf, mon vieux Topo’ ! », ricana Timothy non sans condescendance, « Dites-vous bien que si votre appli est arrivée entre nos mains, c’est qu’elle a déjà fait le tour des développeurs de la planète ! ».

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