Fin épisode précédent : « Il
est maintenant près de 8 heures du matin. Il fait frais et la brume est dense,
dehors. Avant même d’étudier la proposition qui m’est faite, et surtout de
comprendre ce qu’un contrat d’actionnariat peut revêtir, je monte à bord de
n’importe quelle CapsoSat pour m’aérer l’esprit. Direction encore inconnue. »
Episode 96. Vendredi 16 04 2027. A mon retour tardif
de R., où, toute la journée d’hier, de sombres nuages m’avaient gâché le côté champêtre
du décor, je ne me sentais pas rechargé en suffisance pour examiner les aléas
de mes perspectives au sein de TimeWeather.
Lorrie m’attendait comme une parfaite gynoïde avec d’excellents
bistèques-confiture accompagnés de gros doigts de pommes de terre frits. En
vérité, notre rapport ambigu la mène parfois à se comporter comme une femme
fidèle, mais je n’ai jamais, au grand jamais, exigé cela de sa part. Je dirais même plus : qu’elle fût ma
nièce nous maintenait à une certaine distance l’un de l’autre, et je dois dire
que cela me convenait davantage !
Ce matin, après une nuit agitée de réflexions en
tous sens, mon ardoise digitale m’informe qu’une certaine Juliana Paderova (ce nom me rappelle
quelqu’une, je ne sais qui) me contacte vers 6 heures pour que je sois son
faceboy pendant un jour ou deux. J’apprécie la demande, c’est la première fois
qu’une faceblokienne m’invite de la sorte. Bien sûr, j’accepte son hologramme. « C’est
ridicule ! », me dit-elle, « Nous sommes… voisins ! ».
Exact, je me souviens à ce moment de Juliana : elle n’a qu’à franchir le
palier.
« Vous avez été apostrophée par les Gog+, n’est-ce pas ? », dis-je en revoyant les images d’un petit matin récent. « Peut-être… et vous, vous en êtes ? ». Je la scrute. C’est une jeune femme d’une trentaine d’années, mince, petite, brunette aux yeux verts. « N’êtes-vous pas un Timothy Fastoche ? », insiste-t-elle, avec un regard de chatte indifférente. « Je ne vous comprends pas ! », décidai-je, « De quoi parlez-vous exactement, Juliana ? ». Ses prunelles vertes me font fondre, je passe à autre chose : « Vous avez de très beaux yeux, on vous l’a souvent dit, je pense ... ». C'était une flatterie ridicule, je sais et j'assume.
D'ailleurs, aucune répartie de sa part sinon une moue craquante : « Je n'y comprends rien non plus, Bernard, mais dites-moi : pourquoi me mentez-vous ?».
Peut-être m'avait-elle séduit. J'avais fort envie de lui faire plaisir, de ne pas la contrarier, d'aller ensemble dans le même sens.
« Disons que j’en suis un ! », lâchai-je,vaincu.
« Je suis vraiment désolée… », souffla-t-elle, avec un air qui disait tout le contraire, « Tellement désolée… vraiment ! ».
Il n’a pas fallu cinq minutes pour que le visage masqué d’un faceblokoeur envahisse mon ardoise digitale tandis que, dehors, un trio de Gog+ blanchissait le paysage.
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