"Je m’appelle Bernard Topo. Je viens de Bruxelles en 2027, via une application que j’ai développée pour communiquer avec un passé où se pressentait déjà l’omnipotence de la technologie (l’ardoise digitale est comme le prolongement de la main) et des réseaux sociaux (les Faceblokoeurs veillent sur nos rapports humains et les Gog+ surveillent nos agissements).
L’évolution ne s’y décline pas en révolution : les pouvoirs financiers sont suprapotents, la politique brille par son absence, les technocrates exécutent et seule l’existence personnelle pimente encore d’un brin d’humanité ce futur qui vous est proche. Si proche que vous pouvez vous y retrouver et à la fois si lointain qu’on peut envisager ce constat comme l’un des multiples avatars de l’Histoire."

lundi 19 mars 2012

Chatey, la FaceBlokoeuse

Épisode 70. Samedi 20 03 2027. Évidemment, à nul instant Chatey n’a fait référence à sa fonction au sein des Faceblokoeurs et, quant à moi, je n’ai pas spécialement tenu à tirer les choses au clair. Elle, par contre, était d’une curiosité rare ; jusqu’au moindre petit détail, elle a secoué mon logement millimètre par millimètre, me posant des brassées de questions plus saugrenues les unes que les autres (du style, dans la chambre : « Avez-vous couché avec votre nièce ? » ou, dans la cuisine : « Quel était le plat que votre femme détestait le plus ? »). Je dois avouer que, pour une fois que l’on s’intéressait à moi à ce point, j’ai royalement chevauché la comète. Je veillais également à ce que mes réponses trainent le plus longtemps possible parce que je n’étais pas dupe : Chatey mitraillait mentalement tout à sa portée, et je me doutais bien que, pour remplir sa mémoire, il lui faudrait du temps.

Chatey est également une jeune femme dynamique, décidée, impérieuse, du style de qui invite et ne veut pas l’être soi-même. A nouveau, je l’ai laissée dominer la situation, en vertu du confort d’un pilote qui se retrouve à voyager en première classe. De chokabar en restobeef et de restobeef en chokabar, on imagine bien que je m’étais laissé aller peu à peu et qu’à présent, elle savait (presque) tout de moi. Et, moi, pas grand-chose d’elle, sinon qu’elle officiait en tant que « intentiologue », ce qui consiste à déceler les intentions de chacun, …un peu diseuse de bonne aventure, quoi !
Aux alentours de minuit, « Et vous avez donc repéré toutes mes intentions, Chatey ? » ai-je pu conclure à ma sixième ou septième liquorochka, et sans bredouiller !, « Moi, je pense bien avoir… heu… localisé les vôtres ! ».
Son rire fut bref. Éméchée, elle l’était, mais toujours aussi dominatrice.

La capso-sat nous a finalement ramenés sains et saufs à mon domicile. Chatey s’était déjà fait chatte et entreprenante dans l’habitacle. Finalement au lit, ce fut plutôt la débandade. En vérité, une femme qui ne laisse aucune marge de manœuvre à son compère, ce n’est pas réellement fait pour m’enthousiasmer.
Ce matin, je la regarde dormir, ses cheveux blonds gentiment rangés sur ses épaules nues. Elle est belle, elle est même très sexy.
La voilà à présent paisible, attendrissante, appétissante presque.
Je vais me plier en deux pour lui baiser le front.

FaceBlok doit certes s’en enorgueillir, de pareils tempéraments !

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