Fin
de l’épisode précédent : « A présent, Monsieur Topo’, dites-moi –
voulez-vous ? - pourquoi vous vous êtes rendu en Mer du Nord… ». Tant
de politesse est plutôt indigeste. J’y étais allé sans aucune autre intention
que celle de prendre un bol d’air iodé. Mon estomac esquissa un salto
arrière : cette réponse allait-elle lui suffire ?
076. Samedi 27 03 2027. Lui avaient suffi par contre les injonctions de son
collègue, un immense gaillard qui passait à grand peine par l’embrasure de ma
porte. « Laisse tomber, c’est un N4 ! », avais-je cru saisir
avant de les entendre entamer un conciliabule dont j’étais sans conteste le
triste sire du moment. Vous rappelez-vous ce Gog+ de taille impressionnante
qui, voici dix jours, m’avait remonté la glotte dans les narines et qui « appréciait
fortement mon silence» ? Comme dans les vieux polars écornés de ma mère, j’avais
droit au duo du gentil inspecteur tentant de calmer le méchant. Finalement, ils
se sont contentés (« Dans un premier temps ! » aboyait le petit,
quoique qu’il me dépassât d’une bonne tête !) de la géolocalisation du
trajet de ma CapSat n° CS-684.3BV, reprise en note de frais pour TimeWeather.
Le problème est que je n’avais confiance en aucun d’eux.
Le problème est que je n’avais confiance en aucun d’eux.
Mon stress de héros malgré lui ne fait que s’aggraver de jour en jour. Le moindre de mes gestes semble interprété facultativement comme celui d’un complice par les uns et d’un ennemi par les autres. Je suis traqué par Démagog+ et par les Faceblokoeurs à la fois, Timothy Fastoche me fait du gringue mais je ne sais qui il est exactement. En vérité, Timothy Fastoche n’existe pas ou se décline sous mille visages. Et, de toute évidence, la clé de mon histoire n’est-elle donc que mon application TempoTopo’, éventée par Sophie Montana, une collègue de TimeWeather et triturée par un autre, un jeune Chefy Thomas-Tito dont le nom n’est également qu’une anagramme de celui de Timothy Fastoche ? En définitive, je ne sais de quel bord je suis, sinon du mien.
Entretemps, la violence s’est accrue. La vidéo de Chatey toute abattue et disloquée me hante, non pas que le sort de la donzelle me touche particulièrement, mais cela prouve bien la barbarie à visage ouvert des Gog+, dont peu sont témoins et que la plupart ignorent.
« Trucage pour t’impressionner ! », est la sentence de Lorrie, afin sans doute de m’apaiser. Mais j’ai le pressentiment très vif que Chatey est en très mauvais état, si bien que lorsqu’une certaine Charline Smith me demande cet après-midi d’être son amie, je suis persuadé qu’il s’agit de Chatey m’appelant à son secours. « Romantisme des héros inopinés ! », éclate ma nièce, dont je ne supporte plus vraiment le rire aigrelet. Parce que j’ai raison : Charline est bien Chatey, et cette dernière, comme à son ordinaire, s’invite chez moi dans le quart d’heure qui suit.
Son visage tuméfié et sa patte folle soutenue par une béquille feront fondre ma froideur coutumière. Je la prends dans mes bras comme une amante, comme une amie, comme j’aurais serré sur mon cœur ma propre femme. « J’ai bloqué ma localisation ! », me rassure-t-elle (de je ne sais quoi). « Putain d’accident ! J’ai mal, tu peux pas savoir !», a-t-elle ajouté en mouillant ma poitrine d’une larme retenue.
Un accident ? Etre torturée par les Gog+, un accident ?
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